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[Création] Tristan Felix, Le mâle dit de fine amor (ou de l’accord inclusif) et Chimères

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Tristan Felix, la championne du clownesque et du carnavalesque, était mon invitée avec Daniel Cabanis à la soirée « Poésie et humour » prévue le 22 avril dernier à la Maison de la poésie Paris (soirée organisée par REMUE.NET) – mais une figure de l’innommable appelée Covid-19 nous en a privé en ce printemps 2020 (espérons qu’elle puisse être reportée en un temps meilleur). En attendant, lisons avec délectation le savoureux texte qui a d’abord paru dans le n° 9 de la revue Les Cahiers de Tinbad, en regard de six des douze dessins intitulés Chimères (inédits).   Nous avons eu la bonne fortune de descendre d’un toboggan en pente raide d’une mère qui nous inculqua – peu après la tétée, disons lorsque nous pûmes tenir une conversation relative aux Choco BN ou aux bastons de la cour de récré (appréciez l’ellipse temporelle) – la notion, l’idée des plus vague à l’âme, la pensée immense, l’intuition irrévocable et infinie d’AMBIGUÏTÉ. Le mot lui-même chante (et Lacan ne fut pas notre maître – les enfants des grottes jouaient très jadis – c’est avéré – sur les sons avec des bouts de squelette d’aurochs qu’entrechoquaient leurs dents et inventaient leurs premiers calligrammes en forme de circonvolutions inconscientes – car sachez bien que notre cervelle n’est autre que le calligramme de sa propre pensée en gésine, voire son monocondyle : sa signature labyrinthique), oui, ce mot d’ambiguïté, il chante son amibe sa biguine son abîme sa gaité son bambin de Guinée son Bambi son anguille bougonne ses gouttes de buée sa bite en gambade (ah, nous y voilà, patience !) son agape bigote son lambi gay de Bali son big bang d’été sa bogue entée de gui sa languide beauté qui lambine – il ambigue pour tout dire, ce mot. Il bigle. Son tête à queue fait qu’il tétaque en zone terraquée, tête la première mais avec réception fessière, comme une naissance avec salto arrière. Ainsi fûmes-nous d’emblée initiéES – oui, nous sommes un brin, voire une touffe, polyphrènes – aux arcanes du vivant sans frontières et dans le même temps méfiantes de tout embrigadement genré ou dégenré. Le genré nous dérange mais le dégenré – cet autre genre – nous dégénère nous liquéfie nous liquide nous accable avec sa cohorte de particularismes dont la tonitruance identitaire CERTES s’élève à juste titre contre la main basse faite par le masculin – y compris celui manifeste chez certaines maîtresses-femmes thatchériennes aung san suu kyiennes et tueuses – sur ses proies, les cloîtrant du même coup dans une impuissance tragique (tout en proclamant parfois leur supériorité – ah, ce trou, impossible à combler ! cette tombe vaginale – Un enfer !!!), MAIS présente le danger d’une démultiplication des identités sociales favorisant non une variété (celle du vairon, du maquereau irisé, des yeux bicolores du chien…) mais peut-être bien une désolidarisation du vivant, rompant avec son merveilleux continuum. Il semble en effet qu’il y ait confusion entre égalité et décomposition sociale en particules hétérogènes crispées, avec parfois germe de haine – sur leur nationalisme personnel. Nous débordons hélas de notre facétieux sujet, comme toujours – polyphrénie oblige ! – et tendons à tout mêler, mais ya pas que nous : relisons Virginia Woolf et son Une chambre à soi. Toute pensée qui ne recopie pas erre et se marche dessus parce qu’elle se cherche pour de vrai. C’est sa poésie plus que sa vérité. Revenons donc et néanmoins à nos vairons. Notre mère, en cela d’une confondante rigueur, enrichissait l’idée d’ambiguïté de celle de POINT DE VUE. Ainsi telle mouche était ambiguë non tant parce qu’elle était bisexuelle ou homo ou portait un soutien-gorge et un slip kangourou mais parce que tout dépendait du point de vue que l’on portait sur elle. La lumière du matin ou celle du soir projetait sur elle un accord différent dont la subtilité troublait. Me plaignais-je d’avoir été malmenée à l’école qu’elle m’apprenait à répondre à l’agresseuse : C’est une question de point de vue, phrase à laquelle je n’ai pas souvenance d’y avoir entendu goutte mais dont je sentais fièrement autant qu’intimement qu’elle était chargée d’une force protectrice car déstabilisante, comme une armure d’Achille. De fait, l’ennemie, interloquée par la formule de sorcière, demeurait pétrifiée quelque instant puis repartait sauter à la corde avec furie ou s’emmêler les pattes marbrées dans son jeu à l’élastique. De l’autre côté du mur, les garçons nous catapultaient des balles avec des mots d’amour. (L’année suivante, tout serait mixé et ils pourraient se mêler à nos bastons.) Tel chanteur, mais pas seulement Mick Jagger, tel enfant, tel accent étaient ambigus parce qu’ils ne se réduisaient pas à leur existence ontologique, à leur en soi, mais, grillant les feux rouges de la mort, vivaient en se multipliant – merci Baudelaire, charogne, va ! – se déclinaient en autant de versions et de visions qu’il pouvait exister d’interprètes ; car le réel est une partition sans mesure, façon Eric Satie, démesurée par l’innocence, l’innocuité et la virginité de la perception. Dès lors, le monde nous apparut dans son invention infinie, sa moirure perpétuelle, sa métamorphose constitutive. Et lorsque la bouche souriante et dentue – ourlée d’une vive moustache blanche – de M. Richard, notre professeur de sciences naturelles au collège, nous apprit que si la norme humaine laissait vivre et se multiplier les « monstres », alors la normalité deviendrait monstrueuse, nous reconnûmes le Chat de Cheshire, rompîmes joyeusement avec la limite et embrassâmes l’intuition du spectre du vivant, en une suite d’accords chromatiques qui ignorait encore tout des glissendi et démultiplications de tons dans la musique orientale. Ce qui, aujourd’hui, nous permet d’opérer un tuilage, certes périlleux… avec la suite. Voici. Toute langue porte les stigmates d’une histoire ininterrompue de soumissions, de massacres et d’ostracismes. Néanmoins, il ne nous semble guère judicieux d’introduire de force ces nouveaux accords à la mode, dits inclusifs. Tout d’abord, et c’est extraordinaire, la langue semble avoir fourché puisque l’accord inclusif met en évidence comme jamais la préséance du masculin. Voyez : les ami.e.s. Le féminin se retrouve comme par extraordinaire à la remorque du masculin, comme si...

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