
Marion Chénetier, Sandrine Le Pors et Fabrice Thumerel dir., Valère Novarina : Les Tourbillons de l’écriture. Actes du colloque international de Cerisy (août 2018), avec 45 reproductions couleurs et N&B, Hermann, coll. « Les Colloques Cerisy », novembre 2020 (enfin disponible en librairie et commandable depuis peu), 456 pages, 26 €, ISBN : 979-1-0370-0362-1. L’aspect chaotique d’un univers novarinien en perpétuelle fusion explique notre titre initial, emprunté à une gravure intitulée Les Tourbillons de Descartes [1] . Selon l’illustre auteur des Principes de la philosophie, l’univers se compose d’une multitude de tourbillons, chacun étant constitué de particules de feu, de terre et d’air – les premières, parce que plus rapides, formant une étoile centrale. Comme les cieux de Descartes, les espaces novariniens de la page, de la scène et de la toile ressortissent à une véritable cinétique. Une seule différence entre les deux univers, mais elle est de taille : la physique cartésienne ignore le vide. Faisant fi du fameux principe aristotélicien qui pose que la nature a horreur du vide, dans le prolongement de la physique moderne, Valère Novarina ne conçoit nullement les interactions de la matière sans l’énergie du vide : le monde humain, dans ses dimensions cosmologique et artistique, n’existe qu’au travers du prisme de l’espace et du temps, qui sont « à trous et à tourbillons » en ce sens que c’est le vide qui génère le mouvement, fût-il incontrôlable. À ce propos, que l’on considère le décor de L’Animal imaginaire : au centre de la scène, deux panneaux au fond chromatique saturé sur lequel se détachent diverses formes (dont un fondamental point d’interrogation), le bleu spirituel du premier contrastant avec une part d’ombre qui domine le second ; entre les deux, un vide communiquant avec l’arrière-scène, d’où tout provient et où tout retourne, dans un incessant va-et-vient virevoltant. Le vide est assurément au principe de notre vie tourbillonnante. On sait combien l’architecture occupe une place prépondérante dans la création telle que l’entend Novarina. Aussi avons-nous choisi un mouvement dialectique pour organiser cet édifice dans lequel chaque contribution apporte sa pierre singulière, c’est-à-dire répond à sa manière à cette question essentielle : comment, selon le processus de création novarinien, à tel moment unique du chaos de la Matière peut se dégager une Forme d’autant plus cruciale qu’elle s’avère fugace ? Car des textes et des toiles et des pièces de Novarina, qui donnent le tournis, ce que l’on perçoit d’abord, ce sont les tournoiements des acteurs, les tourbillons scéniques et comiques, les tourbillons des sens, des langues et des cultures… Ce n’est que dans un deuxième ou troisième et surtout un quatrième temps que surgit l’ordonnancement de ce chaos, une quatressence si l’on peut dire (d’où le titre du Colloque de Cerisy : « Valère Novarina : les quatre sens de l’écriture ») : les tourbillons infinis conduisent à des extases ponctuelles, à savoir à des harmonies passagères, des épiphanies… [1] René Descartes, Les Principes de la philosophie, dans Œuvres complètes, édition de Charles Adam & Paul Tannery, Paris, Cerf, 1904, vol. IX, planche IV ; cf. le portfolio élaboré par Olivier Dubouclez, Valère Novarina, A.D.P.F., 2005. SOMMAIRE Avant-propos par Marion Chénetier-Alev, Sandrine Le Pors et Fabrice Thumerel Pour ouvrir par Fabrice Thumerel PARTIE I : TOURBILLONS SCÉNIQUES ET COMIQUES Entrée dans l’impossible avec l’acteur comme objet du désir par Annie Gay L’Opérette imaginaire en scène par Claude Buchvald « Faire l’animal ». Quelques sorties de route dans le jeu de l’acteur novarinien par Louis Dieuzayde Voix et dispositifs marionnettiques dans l’écriture de Novarina par Marie Garré Nicoara Le « sentiment inconnu », porte ouverte sur les catharsis par Inhye Hong De la cour d’honneur à la cour d’école : la poétique novarinienne à l’épreuve du bac théâtre par Rafaëlle Jolivet Pignon Les bouffonneries macabres sur la scène novarinienne : un comique rédempteur par Christine Ramat PARTIE II : TOURBILLONS DES SENS Valère Novarina, hypothèses pour une écriture synesthésique, expériences d’une culture lointaine par Constantin Bobas Le rituel kénotique dans les travaux (écrits et spectacles) de Valère Novarina par Enikö Sepsi L’antédiluvien par Jean-Luc Steinmetz Les quatre temps du respir. Poétique et thanatologie selon Valère Novarina par Éric Eigenmann PARTIE III : TOURBILLONS DES LANGUES ET DES CULTURES Ethnographie du stade d’action et anthropopodulologie de l’acteur dans le théâtre novarinien par Francis Cohen Valère Novarina, avec et sans Japon par Thierry Maré Traduire les mots polysémiques et le pronom je dans le théâtre de Valère Novarina : autour de deux aspects spécifiques au japonais par Yuriko Inoue Valère Novarina et son vivier des langues par Angela Leite Lopes Traduire les listes ou essai sur les quatre outils de la traduction par Leopold von Verschuer PARTIE IV : UNE ÉCRITURE DU MOUVEMENT Novarina, l’intranquillité par Laure Née Variations autour de L’Homme hors de lui par Marie-José Mondzain Apologie du renard par Philippe Barthelet Valère Novarina : l’ « entendement par le toucher » par Isabelle Babin « Nous n’avons pas de figure du tout » : les correspondances de Dubuffet à Novarina par Marion Chénetier-Alev PARTIE V : UNE ÉCRITURE DU PASSAGE ET DU RENVERSEMENT Une écriture frontalière par Patrick Suter « Espace, es-tu là ? » : cartographie des territoires novariniens par Céline Hersant « Suite à la suite de quoi, une mère me nomma » : Valère Novarina, portrait d’un théâtre en enfant par Sandrine Le Pors La rhapsodie du langage par Marco Baschera « Un vide est au milieu du langage ». Prière et silence dans Devant la parole de Valère Novarina par Olivier Dubouclez « Onze pages du carnet rouge » par Valère Novarina Postface : Agora Novarina par Marion Chénetier-Alev et Fabrice Thumerel Index nominum Les auteurs
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