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[Libr-relecture] Christophe Marmorat, La Direction des risques, par Périne Pichon

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Comme Libr-critique n’a jamais voulu s’enfermer dans un présent sans perspective – une lecture immédiate qui rend parfois aveugle -, la rubrique Libr-relecture permet de revenir sur une œuvre qui, pour des raisons diverses, n’a pas été analysée lors de sa parution : aujourd’hui, Périne Pichon vous invite à (re)lire un livre transgénérique paru en 2011.   Christophe Marmorat, La Direction des risques, vivre au féminin masculin, éditions Ancrage, 2011, 278 pages, 20 €, ISBN : 978-2-9535444-5-9.   Ce livre est présenté comme le septième tome de la série Ancrage, écrit selon la pratique dite de « l’écriture musicale ». Ancrage est à la fois le terrain où s’expérimente l’écriture musicale et le lieu où s’accomplit une démarche d’exploration identitaire. Le titre d’  « Ancrage » a été choisi dans ce sens : progressivement, Christophe Marmorat montre à ses lecteurs comment son identité prend ses marques, « s’ancre » avec l’écriture, mais également avec les rencontres, les expériences qui forgent cette écriture. C’est pourquoi les sept tomes prévus d’Ancrage (sept tomes pour sept lettres) sont composés de poésies, de réflexions, de petites histoires, réparties en plusieurs chapitres ou parties. Chaque texte a été écrit suivant l’écoute en boucle d’une musique, d’une chanson, laquelle libère un rythme dans l’écriture, l’alimente d’une série d’images, à la fois propres à l’auditeur et fournies par la mélodie. Ainsi, la pratique de l’écriture est ici liée à la libération de l’inconscient. Il ne s’agit pas pour autant d’écriture automatique, expérimentée par les Surréalistes, mais d’une écriture mise en réseau et en résonance avec la musique et l’image, qu’elle soit photographique ou peinte. En effet, deux des chapitres de La Direction des risques, nous offrent des textes associés à des images : « Je suis elle : travail sur les auto-portraits de Johanna Stahl », et « L’expérience de la peinture, nourritures créatives ». L’écriture serait donc ici une pratique de mise en réseau de l’être. Elle explore les connexions entre plusieurs processus artistiques (la peinture, la musique, l’écriture), plusieurs pratiques sensorielles (l’écoute et la vision), et surtout entre les êtres, même séparés par le temps, l’espace, la mort : « Je t’écoute seul dans ma chambre d’hôtel, à New York.[ ...]Je sens là quelque chose, venant de toi. Je sais que tu es morte Eva mais sache que ce n’est pas un problème pour moi, vu ce que je reçois de toi. » (poème pour Eva, Autumn Leaves, Eva Cassidy, p. 197). Nous touche ici la fragilité de l’instant où se rencontrent l’écrivain, la chanteuse, la musique. Cela d’autant plus que la musique et l’écriture sont des passerelles entre les êtres, qu’ils soient vivants ou morts. Ces « ponts de mots » (p. 59) donnent la clef pour accéder à des textes-rêves, liés à des textes réflexifs, pour comprendre comment ces connexions et ces passages entre les arts et entre les êtres peuvent enrichir le « soi ». L’écriture y gagne une spiritualité enveloppante, présente dans un texte de l’adolescence de l’auteur, mais également dans le chapitre « Je chamane ». On ne peut qu’être sensible à la recherche d’équilibre existentiel de Marmorat. Dans cette mise en réseau, en connectivité, le « je » ne peut pas être laissé indemne. Il y a un investissement conscient dans l’écoute, dans l’écriture, un investissement qui semble vouloir juger de ses propres limites. Marmorat semble être à la recherche d’un investissement vers et dans autrui dans la justesse, qui ne va pas jusqu’au vampirisme de l’autre, ni jusqu’à l’identification à l’autre. Dans « Je deviens elle », chapitre que l’auteur place au centre de La Direction des risques, cet investissement vis-à-vis de l’autre est le plus palpable. Il devient une force empathique grâce à laquelle s’exprime les multiplicités des interrelations entre être féminin et être masculin. Un « je » qui se veut féminin s’affirme avec abnégation : Je vouvoie Je regarde, Hautaine, Je vous fusille, Je vous crache, À la gueule, À votre gueule, Vous, mes amants.  Je […] (p. 183.) Pourtant, il est dommage que certains textes semblent encore trop lisses, trop timorés, ne creusent pas assez le jeu de connexions et les émotions (féminines / masculines) qui s’en dégagent. La complexité des êtres, des sentiments, si elle est palpée, est rendue parfois avec naïveté, voire avec facilité. Cette négligence se fait au profit de la recherche de l’harmonie dans le « je » avec l’extérieur. La Direction des risques, comme l’indique son titre, montre toutefois une « direction » à creuser dans une pratique de l’écriture et dans le processus de construction identitaire que l’écriture charpente.

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