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[Entretien] Sandra Moussempès ou la poétique de l’audio-poème, entretien avec Jean-Marc Baillieu

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band-SMVideographia
Suite à la parution du CD Vidéographia – disponible en édition limitée notamment chez les librairies Texture, Tschann (Paris) et l’Odeur du temps (Marseille) -, Jean-Marc Baillieu s’est entretenu avec l’auteure sur sa poétique de l’audio-poème. De ces quatre pistes émane une impression d’inquiétante étrangeté : murmures, boucles sonores, musique d’outre-tombe, voix lancinante et spectrale traduisent avec brio une envoûtante "pensée de rêve"… Aussi, de la même façon qu’à la lecture d’un texte de la poète, toute analyse devient spectrographie. /Fabrice Thumerel/ Sandra Moussempès, Vidéographia, performance sonore autour d’héroïnes filmiques, déplacements de corps et de voix, Violet Reason Record [violetreasonrecord@yahoo.fr], 2014, 10 €.   Sandra Moussempès est connue et reconnue pour soigner particulièrement et singulièrement ses lectures ou plutôt ses « dispositifs sonores » en public, dans des lieux dédiés à la poésie, mais aussi dans des structures d’art contemporain. Elle vient de publier Vidéographia chez Violet Reason Record, un CD qu’elle dit être « la bande-son matérialisée de Sunny Girls » un livre (coll. Poésie / Flammarion, 2015) unanimement salué par la critique. /Jean-Marc Baillieu/   J-M B. : A propos de votre pratique de l’oralité : existe-t-elle dès la conception des textes ou vient-elle (ensuite) comme une interprétation de la partition-texte ? SM : En fait, il existe une musicalité intrinsèque à la création poétique, mais je ne peux pas vraiment parler d’oralité, plutôt de quelque chose qui m’échappe, se compose, s’écrit, avec une rythmique propre à la poésie ou ce qui pour moi fait sens poétique, des superpositions et des associations de pensées. L’oralité à proprement parler intervient bien après la fabrication du poème, lorsque du texte je décide de faire un nouvel objet, sonore cette fois-ci, que je nommerai audio-poème. Mais il y a des poèmes qui ne peuvent qu’être lus silencieusement ou de façon simple à voix haute. Lorsque j’ai entrepris de composer le CD d’audio-poèmes Beauty Sitcom (inclus dans Acrobaties dessinées, éditions de l’Attente, 2012) en utilisant ma voix chantée, murmurée, distordue, stratifiée en écho à l’énonciation du poème, je souhaitais faire le lien entre ma pratique initiale du chant et mon travail d’écriture, avec sa jonction d’interface : les référents cinématographiques, ma relation aux films qui s’intègrent à l’énonciation du poème. Je chante depuis 1984, je publie des poèmes depuis 1992, et je développe ce travail d’audio-poèmes depuis bientôt cinq ans, il a donc fallu tout ce temps pour que le lien entre ces deux pratiques fassent sens, pour que mon univers poétique puisse se matérialiser en une bande-son annexe, à écouter sur CD ou lors de lectures performées. Le dispositif sonore s’articule exclusivement autour de ma voix (je devrais dire mes voix), afin de coller au plus près de mon univers. Je souhaitais projeter le texte vers l’auditoire différemment car les lectures publiques où l’auteur se contente de lire son texte de façon linéaire m’ennuyaient un peu. Dans Beauty Sitcom, la matérialisation des textes (enquêtes, fiction sentimentale, héroïnes filmées dans un environnement inquiétant, atmosphère vintage), s’incarne sous forme de bande-son annexe et autonome. C’est avant tout un travail sur la lecture augmentée vocalement, proposition qui n’est ni théâtre, ni concert, encore moins chanson. Central, le poème n’est jamais chanté. Mon chant crée une atmosphère filmique en bande-son annexe. Ce sont des Résurgences momentanées des sensations visuelles (poème et audio-poème inclus dans le CD Beauty sitcom, nouvelle version augmentée dans Vidéographia), en lien également avec des voix féminines qui ont pu m’influencer indirectement depuis l’enfance. Le chant est une réflexion du poème, un miroir sans tain. La plupart de mes livres (principalement dans la collection Poésie / Flammarion, mais aussi aux éditions Fourbis et de L’Attente) questionnent la notion de temporalité et les sensations de déjà-vu, à travers les façades sociales, les stéréotypes notamment autour du féminin, d’icônes cinématographiques mais aussi le paranormal, le sacré. De façon assez autobiographique, les expériences physiques et psychiques s’enchaînent en pensées plus ou moins rythmées. La forme est donc une préoccupation autant que le contenu, je compose une pièce sonore et vocale de la même façon qu’un poème. En cela l’oralité s’inscrit comme une interprétation de la partition-texte. J’ai toujours créé des mélodies, des onomatopées. J’ai ce besoin de travailler mes différentes voix, certains y retrouvent le côté japonisant de princesses manga, la voix éthérée-atmosphérique de Liz Fraser ou de Kate Bush, les bruitages de Meredith Monk ou encore l’opéra (il se trouve que mon arrière-grand-tante Angelica Pandolfini était cantatrice). Tous ces référents m’ont effectivement influencée sans doute d’une façon inconsciente ; après l’écriture d’un livre, j’ai besoin de sensations plus organiques et tout peut me stimuler pour composer : un film, un dessin animé, des photos retrouvées, de la musique sacrée, du dubstep de Miami, conduire des heures la nuit sur l’autoroute. J’aime ce qui me perturbe, m’inquiète et m’envoûte. Les films que j’évoque dans Sunny Girls comme Zabriskie Point, Spring Breakers, Code inconnu, Sans soleil, … me correspondent, je les évoque, ainsi que des icônes pop, dans Vidéographia, bande-son matérialisée de Sunny Girls.   J-M B. : La collaboration avec un musicien fait-elle bouger les lignes ? Oui bien évidemment, pour Beauty Sitcom il y a eu plusieurs collaborations, l’album s’est fait sur deux ans, s’est construit au fil des rencontres avec plusieurs musiciens sound designers venant de de la musique contemporaine et de l’electro. Ce CD de 9 titres m’a demandé beaucoup de travail car je ne suis pas productrice ni ingénieur du son, et je me suis retrouvée avec toutes ces casquettes à la fin du projet : devoir retravailler le son du mastering avec des audio-poèmes déjà mixés ou en impro, j’ai donc dû faire un travail méticuleux de rééquilibrage des basses, des aigus. Mais il est certain que la collaboration avec un musicien ou designer sonore est précieuse, les bases d’un son naissent à ce moment-là. J’amène mes mélodies de voix et l’idée générale du morceau, puis le musicien propose quelque chose, une façon de faire tourner en boucle un fragment vocal, donne une structure ; c’est le même travail que je fais en solo sur certains...

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