![band-RougeChine]()
Suite du feuilleton proposé par Marc Perrin, "Spinoza in China" : avec Hors-sol, La Vie manifeste et Remue.net. ► Spinoza in China, 9 novembre 2011 ► Spinoza in China, 10 novembre 2011 ► Spinoza in China, 11 novembre 2011- 26 décembre 2014 (1/2) ► Spinoza in China, 11 novembre 2011-26 décembre 2014 (2/2) ► Spinoza in China, 12 novembre 2011-9 février 2015 • 15 novembre 2011 • Shanghai • Une employée de maison vient leur faire le ménage. Une employée de maison vient leur fait à manger. Une employée de maison lave leurs draps. Une employée de maison lave leurs vêtements. Une employée de maison fait tourner leur machine à laver. Une employée de maison lave leur sol. Une employée de maison fait leur lit. Une employée de maison nettoie leur table. Ils payent une employée pour le travail qu’elle effectue. C’est un métier avec un salaire. Vince Parker va travailler sa thèse à la bibliothèque tous les jours. Caroline Parker bosse pour l’événementiel international. Ernesto quant à lui cache ses vêtements dans son sac à dos et lave tout au savon de Marseille. Il est 9h15. Ensuite ? • madame lectrice, monsieur lecteur • bonjour • il est 11h14 aujourd’hui 7 janvier 2015 et j’ai 14 ans, 7 secondes et je vous compte pas les siècles, Ensuite, en conséquence directe ou indirecte des relations pas super apaisées qu’il entretient avec les notions de travail, salarié ou non, de maison, ouverte ou fermée, de famille, sainte ou païenne, de parole, de regard, de silence et de peur à gogo, on voit Ernesto quitter la chambre sous les toits, sans passer par l’appartement de Caroline et Vince Parker, on le voit dévaler les escaliers, voit marcher jusqu’à Hengshan road station, on le voit prendre le métro, on le voit qui s’assoit dans un wagon du métro la ligne numéro 1, on le voit descendre du wagon à Shanghai railway station et là on le voit rejoindre la ligne numéro 3, puis, on le voit s’asseoir à nouveau dans un wagon et ne quitter le métro qu’au terminus de la ligne numéro 3, à North Jiangyang road station, tout au nord de la ville. Là, on voit Ernesto sortir du métro. On le voit regarder les chauffeurs de taxi et les conducteurs de pousse-pousse qui attendent les clients. On le voit dresser la tête, bien droit, pour bien montrer qu’il sait où il va. On le voit dresser la tête bien droit, pour bien montrer qu’il n’a besoin de personne. On le voit marcher tout droit, droit vers le nord. Est-ce qu’il espère rejoindre le fleuve ? géant ? tout au nord de la ville ? le fleuve ou l’océan tout au nord de la ville ? Il ne sait pas très bien. Peut-être est-il en train de rêver de sable fin et de vent du large. On ne sait pas. Ce qu’on sait, ce qu’on voit, c’est qu’il marche pendant une demi-heure sur un trottoir le long d’une 2 fois 4 voies. Il marche pendant une demi-heure le long d’un mur d’enceinte. Il marche pendant une demi-heure le long d’une usine longue de 3 kilomètres. Puis il bifurque à gauche, en direction de l’ouest. Là, il rejoint quelque chose comme un quartier grand comme une ville. On le voit alors marcher au milieu d’immeubles de 20 ou 30 étages dans ce quartier grand comme une ville. On le voit alors, peut-être, en train déjà de flipper sa race relativement au fait qu’il commence à penser – peut-être – au chemin du retour, incertain. Peut-être Ernesto est-il en train de se demander si en fait ce ne serait pas ça : une race. Est-ce qu’une race ce ne serait pas en fait rien d’autre que le flip d’une espèce quant à l’incertitude relative à un chemin qui serait un chemin de retour : un flip espécial relatif au chemin d’un retour super incertain. On sait pas. On sait pas ce qu’il pense Ernesto. Pas toujours. Mais on le voit. On le voit marcher. On le voit marcher un peu plus vite, même, et on peut se dire qu’il a peut-être un peu plus peur que tout à l’heure, un peu plus peur de pas trouver le chemin de retour ou alors il a simplement un peu plus froid. On peut pas être sûr. On peut juste le voir, là, marcher en direction de l’ouest, traverser carrefour et carrefour au milieu d’immeubles de 20 et 30 étages, on peut le voir marcher toujours plus loin vers l’ouest. Puis à un moment donné on le voit qui s’assoit. Sur un banc. Sur une place. Il est là. Ernesto. Il a 10 ans, 15 secondes, et un instant il oublie les siècles, il est assis, sur un banc, au pied d’immeubles de 20 ou et 30 étages. Il a peut-être faim. Il est inquiet peut-être quant au chemin du retour. Il rêve, peut-être, d’une plage de sable fin, de vent du grand large, avec Yameng ou Angela. On sait pas. • madame lectrice, monsieur lecteur • bonjour • il est 11h14 aujourd’hui 7 janvier 2015 et je travaille de la poésie étant à peu près conscient que le mot poésie est un mot comme un autre c’est-à-dire un mot sur lequel accords et désaccords quant à ce qu’il désigne peuvent séparer les êtres des êtres comme n’importe quel mot relatif à n’importe quelle type d’activité ou idée humaine, On voit juste qu’il s’assoit et qu’il remarque assez vite la présence d’un clochard. Sur un autre banc. Un clochard qui mange un sandwich et qui lui aussi assez vite remarque la présence d’un autre gugus sur un autre banc. Et là, si on entre dans la tête d’Ernesto. On comprend non seulement qu’Ernesto regarde intensément l’autre homme assis sur l’autre banc – le clochard – , mais, plus précisément, on comprend qu’Ernesto...
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